Les comédies d’Aristophane sont comme des contes qui finissent toujours bien. La guerre prend fin, la cité idéale des oiseaux règne sur les hommes et sur les dieux, Ploutos recouvre la vue et enrichit les honnêtes gens…Les lecteurs du XXIe siècle seront bien surpris de l’absence de “retour à la normalité”, de retour à ce que nous appellerions aujourd’hui volontiers “l’ordre des choses”. Quand vient le dernier acte, on piste le retournement de situation, le deus ex machina qui entravera le projet utopique des personnages et les fera rentrer dans le rang. Mais ce brusque “retour à la réalité” n’arrive jamais et les pièces finissent comme un rêve.
A défaut de contes, ces pièces portent bien leur nom de comédie. Elles sont des îlots de consolation qui ne sont pas soumis à la rude fatalité des tragédies dans lesquelles le Destin ne plie jamais. Les héros ont beau vouloir ruser avec lui, il sait prendre des chemins détournés pour parvenir à sa fin inexorable, car dans les tragédies, on ne négocie pas avec le Destin, on attend seulement de savoir quand et comment il frappera.
Les projets les plus loufoques et les plus utopiques des personnages d’Aristophane sont, au contraire, toujours couronnés de succès. Il suffisait d’avoir l’idée pour que ça marche. Si les enfants en sortiront ravis, car tout est bien qui finit bien, il se pourrait bien qu’un spectateur adulte ait des sentiments plus mélangés. Est-ce pour nous montrer le bonheur à côté duquel on passe ? Parce qu’on a bien le droit de rêver ? Parce qu’après tout ce n’est qu’une comédie ? Si faire rire est bien la 1ère intention d’Aristophane, faire rêver l’est aussi, tout autant que faire réfléchir.
Comme la douce amertume de certains fruits, dans les comédies d’Aristophane, on se régale de la saveur toute sucrée et pétillante de ses histoires, mais la note amère est bien là qui fait naître une grimace même fugace… Car les solutions imaginées par ses personnages rejoignent presque toujours la fantaisie, comme si ces solutions étaient forcément circonscrites dans cette fantaisie et qu’elles ne pouvaient se réaliser dans le réel.