Les Lares Familiares

Les maisons des familles romaines étaient-elles hantées ? Les familles romaines n’habitaient paisiblement dans leur demeure que par la bonne volonté d’esprits avec lesquels elles devaient composer et cohabiter. Et encore fallait-il bénéficier de leurs faveurs au prix d’un culte et d’attentions rendus quotidiennement pour occuper ce qui n’est tout bonnement que leur territoire.

Même si, au fur et à mesure du temps, ils furent confondus avec l’esprit des morts (les Mânes), les Lares ne sont pas des fantômes, mais bien des divinités rattachés à des territoires. Dès lors qu’une maison est construite sur leur territoire, les humains doivent composer avec ces divinités et tout faire pour que cette colocation se passe bien.

Les Lares, qui sont-ils ?

Dans la religion romaine, les Lares sont des divinités agraires attachées à un territoire. Il en existe plein de sortes ! Citons-en quelques uns : les Lares Compitales qui protègent les carrefours, les Lares Rurales qui protègent les champs et ceux qui y travaillent ou encore les Lares Viales qui protègent les rues et ceux qui les traversent.

Nous nous intéresserons, ici, aux Lares Familiares qui sont les protecteurs du territoire sur lequel est construit une maison, et qui, a fortiori, sont devenus les protecteurs de la maison et de la famille qui occupent leur domaine. Des divinités ambivalentes qu’il faut bien se garder de courroucer en leur vouant le culte qui leur est dû.

Comment les Lares Familiares sont-ils représentés ?

Contrairement aux Pénates, les Lares Familiares sont très aisément reconnaissables et sont presque toujours représentés sur le laraire. Ils sont représentés :

  • sous les traits de deux jeunes hommes en train de danser
  • portant dans une main une patère…
  • …et dans l’autre main, une corne d’abondance
  • vêtus d’une tunique et d’une chlamyde

Voir des représentations des Lares dans l’article sur le laraire.

Quel culte leur rend-on ?

Au quotidien

Au quotidien, on salue les Lares, par exemple, quand on part ou revient de voyage. Disposés sur la table à manger avec les Pénates, on leur réserve les morceaux qui par mégarde tombent par terre pour le brûler sur leur foyer.

Les grands moments d’une famille

Contrairement aux Pénates dont le culte se limite au quotidien des familles, les Lares occupent aussi une place importante lors des grands évènements et pas des moindres ! Outre les jours de fête qui rythment le calendrier romain (et il y en a beaucoup) et durant lesquels la famille leur offre des couronnes de fleurs, voici 4 grands évènements durant lesquels une familia romaine rend un culte particulier aux dieux Lares.

Le passage de l’enfance à l’âge adulte

Lorsque le jeune garçon de la famille entre dans l’âge adulte, il fait l’offrande aux dieux Lares de ses jouets d’enfant et de sa bulle protectrice, de même que la jeune fille leur offre avant son mariage ses poupées et ses jeux.

L’intégration de la mariée dans sa nouvelle maison

Lorsque la mariée arrive dans la maison de son époux, elle offre un as aux Lares. Un as est une pièce de monnaie de petite valeur.

L’affranchissement d’un esclave

On dit qu’un esclave est affranchi lorsqu’il est libéré de son statut d’esclave et devient un homme libre. A cette occasion, l’ancien esclave offre ses chaînes aux Lares.

La mort d’un membre de la famille

Lorsqu’un membre de la famille décède, elle offre en sacrifice aux Lares un bélier afin de purifier la maison.

Des rites apotropaïques

Ces rites ont un caractère apotropaïque, il s’agit de s’attirer la bienveillance de ces divinités pour conjurer une potentielle influence maléfique des Lares.


Apotropaïque ? Le mot apotropaïque vient du grec. Il est composé du préfixe « apo » qui signifie, ici, « loin de », et du mot « tropos » qui signifie « tourner ». Quand on dit qu’un rite est apotropaïque, cela veut dire qu’avec ce rite, on cherche à détourner, à éloigner quelque chose de nous, en l’occurrence, le mauvais œil, le malheur, etc.


Bibliographie

Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome. Rome : École Française de Rome, 1989. 594 p. (Publications de l’École française de Rome, 118)

Marie-Odile Charles-Laforge, « Les cultes privés chez les Romains (IIIe s. avant – IIIe s. après J.-C.) », Pallas [En ligne], 111 | 2019, mis en ligne le 29 février 2020, consulté le 26 janvier 2021.

Du sang sur Rome, Steven Saylor

Rome, aux lendemains des terribles proscriptions de Sylla. Un jeune esclave nommé Tirion, se rend, sur ordre de son maître, dans les quartiers mal famés de Subure pour frapper à la porte d’un certain Gordien. Il ne faut pas longtemps à ce dernier pour deviner les raisons de sa venue car il a le flair, la logique et l’astuce tout crachés d’un Sherlock Holmes. Nous sommes pourtant bien à Rome en l’an 80 av. J.-C. et les activités d’enquêteur de Gordien sont régulièrement louées par les avocats en quête de preuves pour leur procès. Cette fois-ci, il s’agit du jeune Cicéron qui, pour son 1er procès, a besoin de l’aide de Gordien pour défendre son client accusé de parricide. Pour Cicéron, un procès délicat qui va bien plus loin que la simple histoire de famille en venant chatouiller les intérêts de Sylla. Et pour Gordien, une enquête pleine de dangers.

Je ne suis pas une adepte des romans policiers, et pourtant j’ai aimé ce roman qui est le 1er tome d’une longue série appelée Les Mystères de Rome. Mon passage préféré est celui du jour du procès avec les bribes de discours de l’accusation et de la défense menée par Cicéron. Cette histoire aide à se rendre compte à quel point Cicéron était un orateur d’exception ! Et rien que pour ça, je valide !

Le Journal d’une déesse, Teresa Buongiorno

Une fois n’est pas coutume, je me suis lancée dans la lecture d’un roman de littérature jeunesse pour donner des idées de lecture aux plus jeunes, curieux de mythologie grecque. J’ai donc jeté mon dévolu sur Le Journal d’une déesse, un roman de l’italienne Teresa Buongiorno.

Dans ce roman jeunesse, nous suivons l’histoire d’Hébé, la déesse de la Jeunesse. Pour son anniversaire, Zeus lui offre un rouleau de papyrus qui deviendra son journal intime dans lequel elle décrira la vie sur l’Olympe qui se révèle pleine de rebondissements et d’aventures. Outre le fait qu’il n’est pas facile de grandir avec des parents comme Zeus et Héra, ni de trouver sa place au sein du Palais des dieux, la vie sur les hauteurs de l’Olympe est loin d’être de tout repos. Entre la famille qui s’agrandit sans cesse avec la naissance d’Héphaïstos, d’Athéna ou encore d’Hermès, les vieilles rancœurs entre Titans et dieux qui se réveillent, les infidélités incessantes de Zeus qui mettent la pagaille dans sa relation avec Héra, sans compter ces humains dont il faut s’occuper de temps en temps, la vie d’Hébé est bien remplie !

Mon avis sur Le Journal d’une déesse de Teresa Buongiorno

J’ai trouvé ce roman jeunesse fort sympathique et je pense qu’il peut plaire beaucoup à des collégiens principalement pour 2 raisons :

  • Ce roman se lit très rapidement (malgré ses 345 pages !) et ses chapitres particulièrement courts (entre 3 et 4 pages) permettent de grignoter le roman plusieurs fois par jour. Il conviendra donc même à ceux et celles pour qui la lecture se révèle vite ennuyeuse.
  • Ce roman offre un panorama particulièrement complet de la mythologie grecque, même si bon nombre d’épisodes ne sont qu’évoqués : de la naissance des Titans, à celle des dieux et des hommes, la succession des différents âges des humains, les aventures les plus célèbres des dieux, etc.

J’ajouterai d’autres raisons qui m’ont plues en tant que lectrice adulte :

  • L’auteure intègre habilement dans son récit cette idée qu’il y a toujours plusieurs versions d’un même mythe.
  • Ce roman m’a donné l’opportunité de connaître des divinités que je ne connaissais pas, comme Hébé, l’héroïne du roman, ou encore Illythie.
  • L’histoire nous retrace la chronologie de la mythologie grecque, et c’est très appréciable !

Le laraire : le lieu de culte des divinités domestiques

laraire de la Rome antique

Si tu as la chance, un jour, d’aller visiter le site archéologique de Pompéi, tu trouveras bien souvent dans les domus (les maisons des riches) les vestiges d’un laraire, ou lararium en latin, c’est-à-dire l’endroit où les Romains et Romaines rendaient un culte à leurs divinités domestiques. Cet article est un petit guide qui te permettra de les reconnaître facilement et de comprendre ce que tu vois (et pourquoi pas de le partager avec tes compagnons de voyage) !

Où le laraire se trouve-t-il dans la domus ?

Le plus souvent, le laraire est placé dans la cuisine, près du foyer. Mais tu le trouveras aussi dans l’atrium (le vestibule), le tablinum (le bureau) ou même le péristyle (la cour intérieure).

À quoi ressemble un laraire ?

Le laraire pouvait prendre des formes diverses :

  • Une simple peinture murale
  • Une niche ménagée dans un mur
  • Un temple miniature pour les laraires les plus sophistiqués

Quelle que soit leur forme, les laraires sont souvent rehaussés d’ornements pour leur donner l’allure d’un temple avec son fronton triangulaire et ses colonnes. Regardons d’un peu plus près quelques uns de ces laraires.

1.Le laraire en peinture murale

Voici le vestige le plus célèbre d’un laraire prenant la forme d’une peinture murale : la fresque du thermopolium de Lucius Vetutius Placidus.

laraire du thermopolium de Lucius Vetutius Placidus à Pompéi
Photo de Daniele Florio from Rome, ITALY — Ancient Bar, Pompei, CC BY 2.0, Lien

Au centre de la peinture, est peint le Génie, encadré par les deux Lares, eux-mêmes encadrés par les Pénates qui prennent les traits de Mercure (à gauche) et de Bacchus (à droite).
laraire du thermopolium expliqué

2. Le laraire en niche ménagée dans un mur

2.1. Laraire de la Maison des Vettii à Pompéi

laraire de la maison des Vettii
Photo tirée du site Vikidia CC BY-SA 2.5, Lien

Le petit rebord de mur qui sert de plancher pouvait être agrandi avec un carrelage, une tuile de toit ou du marbre pour disposer les statuettes des divinités quand elles n’étaient pas peintes sur le mur.

2.2. Laraire de la Maison du laraire Floral à Pompéi (Région II, 9.4)

Situé dans un petit cubiculum (une chambre), voici un très joli laraire de la Maison du laraire floral de Pompéi très différent du précédent !

Photos de la Maison du laraire floral de Pompéi
Photo tirée du site officiel du site archéologique de Pompéi.

Le fond du laraire est un décor floral très délicat sur lequel ne figure aucune divinité domestique, si ce n’est des Cupidons. Les statuettes des Lares et des Pénates étaient donc posées sur sa base.

2.3. Laraire somptueux à Pompéi (Région V)

Ce laraire somptueux, faisant entre 4 et 5m de longueur, a pour particularité d’associer la niche à la peinture murale.

laraire sompteux de Pompéi
Photos de Ciro Fusco, tirées du site officiel du site archéologique de Pompéi et de leur compte Facebook.

Sur les côtés de la niche, sont figurés les dieux Lares (1), tandis qu’en-dessous sur le mur sont peints deux serpents “agathodaemon” (de bons démons) (2). Juste en face de l’autel peint entre les deux serpents sur lequel sont représentés une pomme de pin et des oeufs, est disposée un petit autel sur lequel ont été retrouvées des traces d’offrandes brûlées (3).

3. Le laraire en forme de temple

laraire en forme de temple à Pompéi
Photos de Ian Lycett-King (à gauche) et de Buzz Ferebee (à droite), tirées de ce site.

Bibliographie

Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome. Rome : École Française de Rome, 1989. 594 p. (Publications de l’École française de Rome, 118)

Dossier : Les divinités domestiques


Je parie que tu connais sur le bout des doigts le nom des 12 dieux olympiens, mais un peu moins celui des divinités domestiques. Qui sont ces dieux chargés de la protection de la maison et de la famille que les Romains et Romaines vénéraient ? C’est ce que nous allons voir dans ce petit dossier.

Sans plus tarder, je te révèle leurs noms. Les divinités domestiques répondent aux doux noms de Lares, Pénates, Génie et Mânes. Pour introduire ce dossier, je te propose tout d’abord de te présenter toutes les difficultés que ces divinités domestiques romaines présentent aux chercheurs et archéologues.

Le laraire Les lares

Le culte domestique : Un culte difficile à restituer

Même si nous en savons déjà beaucoup, quelques aspects des réalités des cultes domestiques nous restent inconnus et mystérieux. Pourquoi ?

1° Il faut bien avoir à l’esprit qu’un Romain du temps de l’Empire ou même de l’époque classique pratiquait une religion déjà ancienne de plusieurs siècles, que certains aspects de sa propre religion lui étaient devenus mystérieux et qu’il était devenu difficile pour lui d’expliquer la signification symbolique de certains rites.

2° En plus de l’ancienneté de leur religion, ajoutons à cela le fait que, comme toute chose, leur religion a évolué au cours des siècles tout comme certaines de leurs divinités. Il est arrivé que plusieurs divinités aux fonctions proches, mais bien délimitées, se soient vus, au fil du temps, confondues ou assimilées les unes avec les autres. C’est le cas des Mânes avec les Pénates et les Lares.

3° Parmi les indices qui nous permettent de restituer ces cultes domestiques, nous comptons les témoignages littéraires. Même si ces écrits nous apprennent énormément de choses, pour ce qui est de cultes domestiques, ce savoir n’est bien souvent qu’à l’état d’indice et il est difficile pour nous de comprendre tout ce qui est sous-entendu et de compléter ces indices par tout ce qui n’est pas dit. En effet, comme les Romains s’adressaient à un lectorat contemporain, ils n’avaient pas besoin de décrire précisément ces cultes domestiques puisque tout le monde les connaissait.

4° Si ce n’est le fameux site archéologique de Pompéi dont les maisons ont été figées dans le temps “grâce” à l’éruption du Vésuve, nous disposons de très peu de représentations de ces divinités domestiques.


Bibliographie

Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome. Rome : École Française de Rome, 1989. 594 p. (Publications de l’École française de Rome, 118)

Nectar et Ambroisie : À la table des dieux

Invitons-nous à la table des dieux ! C’est l’échanson(1) Ganymède qui mène la visite sur les hauteurs de l’Olympe. Il nous présente le menu du jour, et nous voilà fort perplexes : nectar et ambroisie à l’entrée… au plat… et au dessert ! En tant qu’ancien mortel(2), Ganymède comprend notre désappointement. Eh oui, les dieux ne se délectent que de nectar et d’ambroisie. Mais qu’est-ce au juste que le nectar et l’ambroisie ?

Ganymède débouche une amphore et verse un liquide rouge dans une coupe d’or. « Voici le nectar » , nous présente-t-il. « Il est aussi doux et sucré que le vin des mortels ». Avant que nous ne trempions nos lèvres dans le divin breuvage, l’échanson nous retire la coupe. Frustrés, nous décidons de porter notre attention sur l’ambroisie. Nous déduisons que si le nectar est la boisson des dieux, alors l’ambroisie est leur nourriture. L’œil de Ganymède se met à pétiller. « Mieux que ça » . Il se met alors à nous raconter plusieurs anecdotes divines pour nous montrer l’étendue des vertus de cette mystérieuse substance qu’est l’ambroisie.

« Les déesses de l’Olympe en raffolent ! Il n’est pas rare de voir Héra s’oindre d’ambroisie de la tête au pied pour reconquérir ce mari volage qu’est Zeus et tous les jours la chevelure de l’exquise Aphrodite embaume d’ambroisie les couloirs du palais de l’Olympe. Il arrive aussi que les dieux fassent profiter leurs mortels préférés des pouvoirs de l’ambroisie. Quand, au terme de vingt longues années d’errance, Ulysse est revenu chez lui, Athéna a appliqué de l’ambroisie sur le corps de son épouse endormie, Pénélope, pour effacer les traces de vieillesse et la faire paraître plus resplendissante que jamais. Sur les champs de bataille de Troie, les dieux se sont également servis de l’ambroisie, mais cette fois-ci pour guérir les blessures des Achéens et pour en oindre les dépouilles des héros afin de les préserver de la pourriture. »

Ces anecdotes dites, il nous reste difficile de saisir à quoi peut bien ressembler cette fabuleuse substance qui nourrit, guérit, parfume et préserve ! Si nous pouvions comparer l’ambroisie à une substance consommée par les mortels d’ici bas, elle se rapprocherait sans doute du miel qui peut être aussi bien liquide, que crémeux ou solide, qui peut être mangé, mais aussi être utilisé comme un soin beauté ou un baume médicinal.

Nous nous tournons de nouveau vers Ganymède, « Mais après tout, qu’ont-ils besoin de manger ? Ce sont des dieux après tout ! Manger ne leur sert pas à vivre, puisqu’ils sont immortels… à moins que l’immortalité ne leur soit donnée par l’ambroisie ? ». Ganymède eut un sourire mystérieux « Nul mortel n’est autorisé à percer le secret d’immortalité des dieux ». A peine avons-nous cligné des yeux, que nous voilà non plus sur les hauteurs de l’Olympe, mais à son pied.

Les dieux pourraient-ils n’être que des mortels qui ont trouvé un remède contre la mort, un philtre d’immortalité ? Nous rendons visite au Professeur Chantraine pour nous éclairer sur l’origine de ces mots. « Vous et moi, mes chers, nous sommes des brotoï, c’est-à-dire des mortels, contrairement aux ambrotoi que sont les dieux. Il y a tout lieu de croire que le mot « am-broisie » veuille dire « essence d’immortalité ». Quant au mot nectar, il pourrait vouloir dire « qui traverse l’immortalité ». Il a été émis l’idée que le nectar éloignerait celui qui en consommerait d’une mort accidentelle et que l’ambroisie le préserverait de la vieillesse naturelle du corps. Mais, entendons-nous bien, ce ne sont là que des hypothèses, des idées, car rien n’est certain dès qu’il s’agit du monde mystérieux des dieux… ».

Notes
(1) Un échanson est celui qui sert la boisson à la table des dieux.
(2) Ganymède était un beau jeune homme dont est tombé amoureux Zeus. Pour le garder toujours près de lui, il le rendit immortel et le fit échanson officiel de l’Olympe. Il verse pour l’éternité le nectar dans la coupe des dieux !


Bibliographie

Adeline Grand-Clément, « La saveur de l’immortalité : les mille et une vertus de l’ambroisie et du nectar dans la tradition homérique », Pallas [En ligne], 106 | 2018, mis en ligne le 23 août 2018, consulté le 28 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/pallas/5283

Quo Vadis ?, Henryck Sienkiewicz

Cela fait quelques années déjà que j’ai lu ce roman et bien je ne puisse pas en faire un résumé précis, je tenais néanmoins à te partager mes impressions sur cette lecture dont je garde un excellent souvenir ! En deux mots, l’histoire se déroule à Rome sous le règne de l’Empereur fou, Néron. On suit l’histoire de Vinicius, un général romain, qui tombe amoureux de Lydie, une esclave chrétienne, et qui pour l’approcher va s’intéresser au christianisme, cette toute jeune religion sur laquelle s’acharnera la folie de Néron. Le cadre historique de ce roman est passionnant puisque non seulement on assiste à l’incendie de Rome, aux premiers martyrs de chrétiens dans l’amphithéâtre, mais qu’on rencontre aussi des personnages bibliques de premier plan comme Saint Pierre et Saint Paul ou encore le célèbre écrivain latin comique, Pétrone. C’est un roman flamboyant et une histoire aussi prenante qu’un roman de Dumas ! Aussi lui pardonnera-t-on de nourrir tous les clichés attachés à la figure de Néron en reprenant tout l’argumentaire de ses détracteurs. En effet, il ne s’agit pas là d’un documentaire historique, mais bien d’une fiction basée sur quelques faits réels écrite pour régaler de ses excès l’imaginaire des lecteurs.

Circé de Madeline Miller

Avec ce roman, j’ai plongé avec délices dans l’univers merveilleux de la mythologie ! Après Achille, Madeline Miller s’est attaqué cette fois-ci au personnage de Circé, cette magicienne mythique qui transforma les compagnons d’Ulysse en cochons, et encore une fois, son style fait mouche ! De sa très belle écriture, elle dresse le portrait tout en nuances de cette sorcière des temps les plus reculés. Une vie (mythique !) d’autant plus passionnante que c’est Circé elle-même qui nous la raconte. Au fil de ces pages, vous croiserez son père Hélios, son oncle Prométhée, sa sœur Pasiphaé, Minos, Dédale, Ulysse, Scylla, Médée, son amant Hermès et bien d’autres. Bref ! Si vous êtes un passionné de mythologie, je vous conseille à 100% cette lecture. J’attends maintenant avec impatience la sortie de son prochain roman et je suis très curieuse de savoir sur quel personnage elle jettera son dévolu.

Les masques des ancêtres

Sais-tu que les grandes familles romaines avaient chez eux de drôles de masques ? Pour en savoir plus à leur sujet, rendons visite à Lucius, dans sa domus* située en plein cœur de Rome. Il ne nous emmène pas bien loin, car ces masques se trouvent dans l’atrium, autrement dit dans la première pièce qui s’offre aux regards des visiteurs.

Sur un pan de mur de l’atrium, se trouve une armoire fermée par un rideau dont le contenu n’est exposé à la vue de tous que lors de grandes occasions. Ça tombe bien, Lucius vient d’accéder à une magistrature. Voilà une belle occasion de fêter ça en conviant sa famille et ses amis, mais aussi… ses ancêtres prestigieux ! Il tire le rideau et les masques apparaissent, chacun dans leur niche. Lucius peut, sans rougir, s’exposer au regard de ses ancêtres dont les traits ont été immortalisés dans ces masques de cire. Avec un tel poste, en effet, ils ont de quoi être fiers de leur descendant.

L’arbre généalogique des grandes familles

Pour parler de ces masques, Lucius utilise l’expression “maiorum imagines”, c’est-à-dire “les images de ses ancêtres”. Il nous explique que ces masques ne sont pas disposés au hasard dans l’armoire. Ils sont, en effet, rangés de façon à reproduire l’arbre généalogique de sa famille. Les tituli, ces petites pancartes qui accompagnent chaque masque pour indiquer son nom et ses titres de gloire, sont reliés entre eux par des bandelettes de lin pour figurer la filiation. Il ajoute qu’à la base de l’arbre généalogique des familles les plus anciennes et les plus prestigieuses figurait bien souvent un ancêtre mythique ou divin.

À bien y regarder, on ne trouve aucun masque de femme ni d’enfant… Eh oui, dans l’arbre généalogique, n’a pas son masque qui veut ! Seul un homme noble, ayant exercé une magistrature curule et n’ayant pas été condamné par la justice a le droit à cet honneur. Et encore faut-il ne pas découvrir après sa mort qu’il ait été coupable de quelque méfait au risque de voir son masque retiré de l’arbre généalogique et brisé pour être voué à l’oubli !

Lucius nous apprend que ses deux sœurs ont emporté dans la maison de leurs époux des copies des masques de leurs ancêtres pour les ajouter à l’arbre généalogique de leur nouvelle famille.

Des ancêtres pour accompagner le mort

Lucius nous raconte comment, enfant, il a appris l’histoire de ses aïeux lors de la mort de son père. Il se souvient que son corps avait été exposé dans l’atrium et que le rideau de l’armoire avait été tiré pour que ses ancêtres veillent sur sa dépouille.

Puis vint le moment où il fallut emmener le corps de son père dans sa dernière demeure. Les masques furent retirés de l’armoire et portés par des comédiens, qu’on appelle histrions – ce qui laissa au petit Lucius une forte impression. En plus du masque, chaque histrion avait revêtu le costume qui correspondait au plus haut rang que l’aïeux avait atteint au cours de sa vie. Le cortège se mit en route et prit le chemin du Forum avec à sa tête les ancêtres paradant dans un char.

Arrivés aux Rostres, cette tribune où les orateurs prennent la parole, les histrions s’assirent sur un banc et un discours fut prononcé sur son défunt père, suivi d’un deuxième discours dans lequel furent rappelés les exploits et les vertus de chacun de ses ancêtres qui avaient eu droit à un masque. Ces mots restèrent gravés dans la mémoire du petit Lucius, tant et si bien que maintenant encore il se les remémore pour prendre la meilleure décision, celle qui le rendrait digne de ses ancêtres. Son père, semble-t-il, n’avait pas démérité, car son masque trône désormais dans l’atrium aux côtés de ses aïeux les plus illustres, dans l’arbre généalogique de sa famille.

Comment fabriquait-on les masques en cire ?

Vraisemblablement, l’artisan créait d’abord un moule en coulant du plâtre sur le visage de la personne rasé de près et oint. Pour qu’elle puisse respirer pendant l’opération, l’artisan mettait une paille dans chacune de ses narines. Une fois le moule en plâtre sec, il l’enduisait d’huile, puis coulait de la cire à l’intérieur. Il retirait le masque de cire du moule, procédait aux dernières corrections et ajoutait des pigments pour le rendre le plus ressemblant possible à son modèle.


Image tirée de l’article “Wax and plaster memories : Children in Elite and non-Elite Strategies”.

Pour les Romains, adeptes du trompe l’œil, la cire était un matériau formidable pour donner aux portraits un réalisme confondant de vérité, si bien que beaucoup d’auteurs ont pu écrire que ces masques des ancêtres qui trônaient dans l’atrium paraissaient vivants. Mais c’était aussi un matériau très fragile. Les plus vieux masques figurant dans l’arbre généalogique d’une famille finissaient tous par perdre leur éclat d’antan, s’effritaient et étaient noircis par les fumées des braseros. Cependant, ils se gardaient bien de nettoyer ces masques, de les restaurer ou encore d’en refaire des copies toutes neuves à partir des moules en plâtre dont ils disposaient. En effet, plus le masque était abîmé par le temps, plus cela lui ajoutait de la valeur, car cela montrait l’ancienneté de la famille.


Bibliographie

Molinier Arbo Agnès. Sous le regard du Père : les imagines maiorum à Rome à l’époque classique. In: Dialogues d’histoire ancienne, vol. 35, n°1, 2009. pp. 83-94.

Dasen Véronique. Wax and plaster memories.: Children in Elite and non-Elite Strategies. In: Children, Memory, and Family Identity in Roman Culture, 2010. pp. 109-145.

Le chant d’Achille, Madeline Miller 

Ce roman retrace la vie du héros grec à qui la cité de Troie doit sa chute et dont la colère a traversé les âges grâce à l’Iliade d’Homère, la plus ancienne œuvre parvenue jusqu’à nous après Gilgamesh. Mais que serait ce héros et quel aurait été son destin sans son amant Patrocle ? C’est ce qu’explore Madeline Miller dans son très beau roman Le chant d’Achille.

Si la lecture d’une épopée vous effraie, lancez-vous dans ce roman ! Vous plongerez au cœur des tourments que traverse Achille, le plus emblématique des héros qui a inspiré et inspire encore d’innombrables œuvres !

L’histoire en quelques mots…

Contraint de s’exiler de sa patrie, le jeune Patrocle se sépare de sa famille pour partir grandir à Phtie, dans le royaume de Pelée, le père d’Achille. Dès leur rencontre et jusqu’à leur mort, Achille et Patrocle ne se sépareront plus jamais au grand dam de la terrible Thétis, la divine mère d’Achille, qui apprécie très peu ce compagnon qui prend une place si importante dans le cœur de son fils et le détourne de son destin, pense-t-elle. Patrocle accompagne Achille dans tous les moments de sa vie : sa formation de héros auprès de Chiron, son départ pour Troie et sa chute.

L’angle adopté par l’auteure est résolument celui de l’histoire d’amour et c’est une réussite ! M. Miller fait une relecture des différents épisodes de la vie d’Achille, de ses décisions et de ses actes sous la lumière de cette relation amoureuse. Pour cela, l’auteure a eu l’idée (géniale) de confier l’ensemble de la narration à Patrocle sous le regard duquel Achille nous est plus proche que jamais. Du moins, dans les limites de son humanité, car la part divine d’Achille demeurera un mystère insondable pour Patrocle et les simples mortels que sont les lecteurs ! Grâce à la plume de l’auteure, le lecteur sentira néanmoins de façon vive le fardeau de ce héros doué de pouvoirs divins mais qui doit se résoudre à mourir, comme un simple mortel, jeune et dans la gloire…

Pourquoi ai-je aimé ce roman ?

Je conseille cette lecture à tout le monde ! En mêlant savamment roman psychologique et tragédie, Madeline Miller parvient avec brio à nous rapprocher de ces héros qui bien souvent peuvent nous paraître terriblement distants dans leurs récits d’origine.

J’ai aimé que le roman retrace la vie d’Achille, de son enfance à sa mort : son enfance à Phtie, sa formation par le centaure Chiron sur le mont Pélion, son exil forcé par sa mère à Scyros sous les déguisements d’une femme, son départ pour Troie et sa chute. En cela, l’auteure se démarque des textes antiques qui ne prennent généralement pour sujet qu’une partie de la vie du héros et ne nous donnent une vision d’eux que parcellaire.

J’ai trouvé la fin très belle, très bien écrite et très émouvante. J’ai donc refermé ce roman avec regret. Je retiens aussi les descriptions de la nymphe Thétis qui prend une forme différente à chacune de ses apparitions et qui évoquent avec force sa nature divine et les forces naturelles qu’elle représente dans des comparaisons pleines de poésie qui inspirent l’effroi. La seule chose que j’ai pu regretter est le manque de développement de certaines scènes qui passaient trop vite à mon goût…