Les exemples de personnages de la littérature antique se livrant aux gestes de supplication, comme saisir le menton de celui qu’on supplie ou entourer ses genoux, sont nombreux et peuvent paraître surprenants voire étranges au lecteur moderne.
- Dans ce petit article, tu trouveras une très brève explication au geste de saisir les genoux de celui qu’on supplie (mais aucune relative au fait de saisir le menton parce que je n’ai rien trouvé au détour de mes brèves recherches).
- Tu y trouveras également 3 extraits célèbres de la littérature antique dans lesquels des personnages accomplissent ces gestes de supplication et qui ont été représentés dans l’art antique et/ou moderne pour te faire une image mentale de cette supplication.
La symbolique des genoux dans la pensée antique
L’une des hypothèses avancées par les chercheurs pour expliquer ce geste d’entourer les genoux de celui qu’on supplie est que, dans la pensée antique, le genou était le siège de l’énergie vitale. On supplie pour sa vie en prenant en quelque sorte en otage la partie du corps du supplié qui abrite sa vie à lui. La posture de la supplication est alors ambivalente puisqu’elle implique que le suppliant soit à la fois dans une posture d’humiliation et d’agressivité.
Voici un court extrait du chant XXIV de l’Iliade, tiré de la supplication que Priam adresse à Achille pour qu’il lui rende le corps d’Hector, qui illustre très bien cette idée que le genou est le siège de l’énergie vitale.
j’avais engendré dans la vaste Troade les fils les plus vaillants, et je dois avouer qu’aucun d’eux ne me reste. (…)De la plupart, l’impétueux Arès a brisé les genoux (…).
Scènes fameuses de supplication dans la littérature antique
Voici quelques scènes célèbres de la littérature grecque dans lesquelles des personnages de la mythologie recourent aux gestes de supplication et qui ont été représentées dans l’art moderne et antique.
Thétis suppliant Zeus
Jupiter et Thétis, peinture de Dominique Ingres, 1811
Thétis lui saisit les genoux
de la main gauche, et, le prenant de sa droite au menton,
elle adressa cette prière à Zeus, fils de Cronos.
Chant I de l’Iliade, vers 500-501.
Priam suppliant Achille
Le grand Priam entra sans être vu par eux, s’arrêta près d’Achille, de ses mains lui saisit les genoux, et baisa les mains cruelles, meurtrières qui lui avaient immolé tant de fils.
Chant XXIV de l’Iliade.
Ulysse suppliant Nausicaa
Et le divin Ulysse émergea des broussailles. Sa forte main cassa dans la dense verdure un rameau bien feuillu qu’il donnerait pour voile à sa virilité. (…) Quand l’horreur de ce corps tout gâté par la mer leur apparut, ce fut une fuite éperdue jusqu’aux franges des grèves. Il ne resta que la fille d’Alkinoos : Athéna lui mettait dans le coeur cette audace et ne permettait pas à ses membres la peur. Debout elle fit tête…
Ulysse réfléchit : irait-il supplier cette fille charmante et la prendre aux genoux ? … ou, sans plus avancer, ne devait-il user que de douces prières afin de demander le chemin de la ville et de quoi se vêtir ? … Il pensa, tout compté, que mieux valait rester à l’écart et n’user que de douces prières : l’aller prendre aux genoux pouvait la courroucer.
Chant VI, Odyssée, vers 127-147, p.196
Bibliographie
La supplication chez Homère : geste concret et abstraction, Flavio Ribeiro De Oliveira, GAIA. Revue interdisciplinaire sur la Grèce ancienne, Année 2011, pp. 67-72