Invitons-nous à la table des dieux ! C’est l’échanson(1) Ganymède qui mène la visite sur les hauteurs de l’Olympe. Il nous présente le menu du jour, et nous voilà fort perplexes : nectar et ambroisie à l’entrée… au plat… et au dessert ! En tant qu’ancien mortel(2), Ganymède comprend notre désappointement. Eh oui, les dieux ne se délectent que de nectar et d’ambroisie. Mais qu’est-ce au juste que le nectar et l’ambroisie ?
Ganymède débouche une amphore et verse un liquide rouge dans une coupe d’or. « Voici le nectar » , nous présente-t-il. « Il est aussi doux et sucré que le vin des mortels ». Avant que nous ne trempions nos lèvres dans le divin breuvage, l’échanson nous retire la coupe. Frustrés, nous décidons de porter notre attention sur l’ambroisie. Nous déduisons que si le nectar est la boisson des dieux, alors l’ambroisie est leur nourriture. L’œil de Ganymède se met à pétiller. « Mieux que ça » . Il se met alors à nous raconter plusieurs anecdotes divines pour nous montrer l’étendue des vertus de cette mystérieuse substance qu’est l’ambroisie.
« Les déesses de l’Olympe en raffolent ! Il n’est pas rare de voir Héra s’oindre d’ambroisie de la tête au pied pour reconquérir ce mari volage qu’est Zeus et tous les jours la chevelure de l’exquise Aphrodite embaume d’ambroisie les couloirs du palais de l’Olympe. Il arrive aussi que les dieux fassent profiter leurs mortels préférés des pouvoirs de l’ambroisie. Quand, au terme de vingt longues années d’errance, Ulysse est revenu chez lui, Athéna a appliqué de l’ambroisie sur le corps de son épouse endormie, Pénélope, pour effacer les traces de vieillesse et la faire paraître plus resplendissante que jamais. Sur les champs de bataille de Troie, les dieux se sont également servis de l’ambroisie, mais cette fois-ci pour guérir les blessures des Achéens et pour en oindre les dépouilles des héros afin de les préserver de la pourriture. »
Ces anecdotes dites, il nous reste difficile de saisir à quoi peut bien ressembler cette fabuleuse substance qui nourrit, guérit, parfume et préserve ! Si nous pouvions comparer l’ambroisie à une substance consommée par les mortels d’ici bas, elle se rapprocherait sans doute du miel qui peut être aussi bien liquide, que crémeux ou solide, qui peut être mangé, mais aussi être utilisé comme un soin beauté ou un baume médicinal.
Nous nous tournons de nouveau vers Ganymède, « Mais après tout, qu’ont-ils besoin de manger ? Ce sont des dieux après tout ! Manger ne leur sert pas à vivre, puisqu’ils sont immortels… à moins que l’immortalité ne leur soit donnée par l’ambroisie ? ». Ganymède eut un sourire mystérieux « Nul mortel n’est autorisé à percer le secret d’immortalité des dieux ». A peine avons-nous cligné des yeux, que nous voilà non plus sur les hauteurs de l’Olympe, mais à son pied.
Les dieux pourraient-ils n’être que des mortels qui ont trouvé un remède contre la mort, un philtre d’immortalité ? Nous rendons visite au Professeur Chantraine pour nous éclairer sur l’origine de ces mots. « Vous et moi, mes chers, nous sommes des brotoï, c’est-à-dire des mortels, contrairement aux ambrotoi que sont les dieux. Il y a tout lieu de croire que le mot « am-broisie » veuille dire « essence d’immortalité ». Quant au mot nectar, il pourrait vouloir dire « qui traverse l’immortalité ». Il a été émis l’idée que le nectar éloignerait celui qui en consommerait d’une mort accidentelle et que l’ambroisie le préserverait de la vieillesse naturelle du corps. Mais, entendons-nous bien, ce ne sont là que des hypothèses, des idées, car rien n’est certain dès qu’il s’agit du monde mystérieux des dieux… ».
Notes
(1) Un échanson est celui qui sert la boisson à la table des dieux.
(2) Ganymède était un beau jeune homme dont est tombé amoureux Zeus. Pour le garder toujours près de lui, il le rendit immortel et le fit échanson officiel de l’Olympe. Il verse pour l’éternité le nectar dans la coupe des dieux !
Bibliographie
Adeline Grand-Clément, « La saveur de l’immortalité : les mille et une vertus de l’ambroisie et du nectar dans la tradition homérique », Pallas [En ligne], 106 | 2018, mis en ligne le 23 août 2018, consulté le 28 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/pallas/5283