Pic de la Mirandole, De la dignité de l’homme

Je ne t’ai donné ni place déterminée, ni visage propre, ni don particulier, ô Adam, afin que ta place, ton visage et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. La nature enferme d’autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t’ai placé, tu te définis toi-même.

Je t’ai mis au milieu du monde, afin que tu puisses mieux contempler autour de toi ce que le monde contient. Je ne t’ai fait ni céleste, ni terrestre, ni mortel, ni immortel, afin que, souverain de toi-même, tu achèves ta propre forme librement, à la façon d’un peintre ou d’un sculpteur.

Tu pourras dégénérer en des formes inférieures, comme celle des bêtes, ou régénéré, atteindre les formes supérieures qui sont divines.

Ploutos, Aristophane

Plus de vingt siècles nous séparent d’Aristophane, et pourtant l’argent fait toujours l’objet des mêmes plaintes et des mêmes griefs. Dans Ploutos, Aristophane nous livre quelques réflexions sur l’argent et son impact sur nos vies et le fonctionnement de la cité d’Athènes.

C’en est assez ! Alors que les honnêtes gens triment sans être récompensés dignement, les malhonnêtes s’enrichissent à leur détriment et sur leur dos. Cette situation ne peut plus durer.

Objectif et non des moins ambitieux : trouver Ploutos, le dieu de la richesse que Zeus a eu la bonne idée de rendre aveugle… Qu’importe cette décision du dieu des dieux ! Il faut s’emparer de Ploutos et lui faire recouvrer la vue. Rendez-vous au sanctuaire d’Epidaure !

Encore une fois les personnages imaginés par Aristophane ont un projet fou qui nous fait nous interroger sur notre rapport à l’argent. A-t-il tant évolué que cela ? Faut-il nécessairement qu’il y ait des riches et des pauvres pour que le société continue de fonctionner ?

L’Assemblée des femmes, Aristophane


Dans L’Assemblée des femmes, Aristophane met une fois encore les femmes athéniennes sur le devant de la scène pour mettre la cité sans dessus dessous, rebattre les cartes et instaurer de nouvelles règles.

Puisque les hommes manquent décidément de bon sens et sont incapables de prendre les bonnes décisions pour la cité, les femmes athéniennes sont bien résolues à prendre les choses en main !

Pour Gaillardine et les autres femmes athéniennes, le jour J est arrivé. La préparation a demandé beaucoup de temps : laisser leur peau brunir au soleil et leurs poils d’aisselles et de jambes pousser. Elles se sont levées au point du jour pour s’emparer subrepticement des vêtements de leurs époux et se grimer en hommes. Les voilà prêtes à se rendre à l’Assemblée ! De quoi passer parfaitement inaperçu et faire un putsch…

Les comédies d’Aristophane, des contes de fées ?

Les comédies d’Aristophane sont comme des contes qui finissent toujours bien. La guerre prend fin, la cité idéale des oiseaux règne sur les hommes et sur les dieux, Ploutos recouvre la vue et enrichit les honnêtes gens…Les lecteurs du XXIe siècle seront bien surpris de l’absence de “retour à la normalité”, de retour à ce que nous appellerions aujourd’hui volontiers “l’ordre des choses”. Quand vient le dernier acte, on piste le retournement de situation, le deus ex machina qui entravera le projet utopique des personnages et les fera rentrer dans le rang. Mais ce brusque “retour à la réalité” n’arrive jamais et les pièces finissent comme un rêve.

A défaut de contes, ces pièces portent bien leur nom de comédie. Elles sont des îlots de consolation qui ne sont pas soumis à la rude fatalité des tragédies dans lesquelles le Destin ne plie jamais. Les héros ont beau vouloir ruser avec lui, il sait prendre des chemins détournés pour parvenir à sa fin inexorable, car dans les tragédies, on ne négocie pas avec le Destin, on attend seulement de savoir quand et comment il frappera.

Les projets les plus loufoques et les plus utopiques des personnages d’Aristophane sont, au contraire, toujours couronnés de succès. Il suffisait d’avoir l’idée pour que ça marche. Si les enfants en sortiront ravis, car tout est bien qui finit bien, il se pourrait bien qu’un spectateur adulte ait des sentiments plus mélangés. Est-ce pour nous montrer le bonheur à côté duquel on passe ? Parce qu’on a bien le droit de rêver ? Parce qu’après tout ce n’est qu’une comédie ? Si faire rire est bien la 1ère intention d’Aristophane, faire rêver l’est aussi, tout autant que faire réfléchir.

Comme la douce amertume de certains fruits, dans les comédies d’Aristophane, on se régale de la saveur toute sucrée et pétillante de ses histoires, mais la note amère est bien là qui fait naître une grimace même fugace… Car les solutions imaginées par ses personnages rejoignent presque toujours la fantaisie, comme si ces solutions étaient forcément circonscrites dans cette fantaisie et qu’elles ne pouvaient se réaliser dans le réel.

Les Thesmophories, Aristophane

Laissez-vous entraîner par le charme burlesque des Thesmophories, une pièce dans laquelle Aristophane prend un malin plaisir à se moquer du dramaturge Euripide et à recourir au travestissement pour régaler son public.

Euripide, accompagné de son cousin Mnésiloque, se rend chez le poète Agathon pour lui demander une faveur. Les Thesmophories, cette fête strictement réservée aux femmes, s’apprêtent à se dérouler et c’est une mauvaise nouvelle pour Euripide qui a eu vent que les femmes projetaient de l’éliminer. En cause ? La misogynie manifeste de ses pièces qui ne mettent en scène que des femmes criminelles et sans vertu. Le rassemblement à l’occasion des Thesmophories leur permettrait de s’accorder toutes ensemble sur sa mort.

Euripide conjure donc Agathon de plaider sa cause auprès des femmes. Comment ? En se rendant aux Thesmophories…déguisé en femme ! Il compte non seulement sur le talent oratoire du poète Agathon, mais aussi sur ses manières suffisamment efféminées pour que les femmes n’y voient mouche. Mais Agathon refuse fermement cette proposition. C’est alors que Mnésiloque se dévoue pour sortir Euripide de ce pétrin. Autant dire que Mnésiloque n’a ni la finesse, ni l’intelligence, ni la délicatesse d’Agathon pour incarner ce rôle et c’est là tout le sel de la pièce !

Les Grenouilles, Aristophane

Comédies d’Aristophane sur Circé, Satyres and CieDans la comédie d’Aristophane, les dieux non plus ne sont pas épargnés ! Et ce n’est rien moins que Dionysos, le dieu du théâtre, qui monte sur scène pour faire rire le public athénien. Une pièce dépaysante et mythologique qui vous donne rendez-vous dans les Enfers.

La scène littéraire va mal depuis que les 3 grands tragiques(1) sont morts et Dionysos, le dieu du théâtre, s’en désole. Aussi s’est-il résolu à ressusciter l’un d’entre eux ! Mais comment fait-on au juste pour aller aux Enfers et en revenir ? Dionysos décide de marcher sur les pas d’Héraclès qui s’est distingué, lors de ses 12 travaux, en capturant Cerbère, le monstre qui garde les portes des Enfers.

C’est donc affublé d’une massue et d’une peau de lion par dessus sa toge en soie et ses délicates cothurnes que Dionysos, accompagné de son esclave Xanthès, s’en va toquer à la porte d’Héraclès, véritable guide touristique pour toute personne souhaitant se lancer dans cette escapade peut-être sans billet de retour.

Outre le fait qu’entre le rôle que Dionysos souhaite incarner et sa qualité d’interprétation, l’écart est grand, Héraclès a laissé quelques souvenirs de son passage aux Enfers pour le meilleur et pour le pire de nos deux comparses !

Note
(1) Les 3 grands tragiques sont Eschyle, Sophocle et Euripide.

Lysistrata, Aristophane

Découvrir les comédies d’Aristophane sur Circé, Satyre and CieAlors qu’Athènes est en guerre contre Sparte, Aristophane, fervent défenseur de la paix, imagine une pièce dans laquelle les femmes ont un rôle à jouer et un pouvoir mésestimé sur les hommes et la politique. Une petite pépite de drôlerie qui ravira tous ceux qui ne sont pas contre les plaisanteries en dessous de la ceinture !

Durant une nuit d’insomnie, Lysistrata a eu une idée et même une sacrée idée qui risque bien de contraindre les hommes à signer la paix. Elle réunit au pied de l’Acropole toutes les femmes athéniennes, mais également des représentantes de Sparte pour leur exposer son idée : faire la grève du sexe et occuper l’Acropole où est stocké l’argent servant à financer la guerre !

Une double action coup de poing qui pourrait être d’une redoutable efficacité auprès de la gente masculine, si seulement Lysistrata parvenait à garder dans le rang des femmes un peu trop éprises des plaisirs de la chair et qui peinent à respecter leur serment…Lysistrata a du pain sur la planche pour leur faire garder le cap et peut-être parvenir à leurs fins !

Les Oiseaux, Aristophane

Lire le théâtre antique d’AristophaneVoilà une très jolie pièce de théâtre dans laquelle Aristophane transforme son désenchantement face à la réalité politique d’Athènes en une véritable fable utopique et poétique pleine de fantaisie !

Guidés par deux oiseaux juchés sur leur épaule, deux Athéniens ont quitté leur cité pour partir à la recherche d’un dénommé LaHuppe(1), un humain transformé en oiseau par les dieux.  Qui mieux que lui, qui de ses ailes a pu parcourir tous les alentours, est le plus à même de leur conseiller la cité idéale où il ferait bon vivre, une cité qui ne serait pas gangrenée par la manie du procès et de la délation comme Athènes ?

Mais aucune des propositions de LaHuppe ne convainc les deux Athéniens. Il leur vient alors une idée : si la cité idéale n’existe pas, pourquoi ne pas la créer ? Et pourquoi ne pas la créer parmi les oiseaux ? LaHuppe, séduit par l’idée, décide de rassembler tous les oiseaux. Restent aux deux Athéniens d’organiser cette cité des oiseaux sans être rattrapés par les travers de leur cité et avec cette ambition folle de prendre le pouvoir sur les humains et les dieux.

Notes :
(1) LaHuppe ou Térée dans le texte grec.

Les Lares Familiares

Les maisons des familles romaines étaient-elles hantées ? Les familles romaines n’habitaient paisiblement dans leur demeure que par la bonne volonté d’esprits avec lesquels elles devaient composer et cohabiter. Et encore fallait-il bénéficier de leurs faveurs au prix d’un culte et d’attentions rendus quotidiennement pour occuper ce qui n’est tout bonnement que leur territoire.

Même si, au fur et à mesure du temps, ils furent confondus avec l’esprit des morts (les Mânes), les Lares ne sont pas des fantômes, mais bien des divinités rattachés à des territoires. Dès lors qu’une maison est construite sur leur territoire, les humains doivent composer avec ces divinités et tout faire pour que cette colocation se passe bien.

Les Lares, qui sont-ils ?

Dans la religion romaine, les Lares sont des divinités agraires attachées à un territoire. Il en existe plein de sortes ! Citons-en quelques uns : les Lares Compitales qui protègent les carrefours, les Lares Rurales qui protègent les champs et ceux qui y travaillent ou encore les Lares Viales qui protègent les rues et ceux qui les traversent.

Nous nous intéresserons, ici, aux Lares Familiares qui sont les protecteurs du territoire sur lequel est construit une maison, et qui, a fortiori, sont devenus les protecteurs de la maison et de la famille qui occupent leur domaine. Des divinités ambivalentes qu’il faut bien se garder de courroucer en leur vouant le culte qui leur est dû.

Comment les Lares Familiares sont-ils représentés ?

Contrairement aux Pénates, les Lares Familiares sont très aisément reconnaissables et sont presque toujours représentés sur le laraire. Ils sont représentés :

  • sous les traits de deux jeunes hommes en train de danser
  • portant dans une main une patère…
  • …et dans l’autre main, une corne d’abondance
  • vêtus d’une tunique et d’une chlamyde

Voir des représentations des Lares dans l’article sur le laraire.

Quel culte leur rend-on ?

Au quotidien

Au quotidien, on salue les Lares, par exemple, quand on part ou revient de voyage. Disposés sur la table à manger avec les Pénates, on leur réserve les morceaux qui par mégarde tombent par terre pour le brûler sur leur foyer.

Les grands moments d’une famille

Contrairement aux Pénates dont le culte se limite au quotidien des familles, les Lares occupent aussi une place importante lors des grands évènements et pas des moindres ! Outre les jours de fête qui rythment le calendrier romain (et il y en a beaucoup) et durant lesquels la famille leur offre des couronnes de fleurs, voici 4 grands évènements durant lesquels une familia romaine rend un culte particulier aux dieux Lares.

Le passage de l’enfance à l’âge adulte

Lorsque le jeune garçon de la famille entre dans l’âge adulte, il fait l’offrande aux dieux Lares de ses jouets d’enfant et de sa bulle protectrice, de même que la jeune fille leur offre avant son mariage ses poupées et ses jeux.

L’intégration de la mariée dans sa nouvelle maison

Lorsque la mariée arrive dans la maison de son époux, elle offre un as aux Lares. Un as est une pièce de monnaie de petite valeur.

L’affranchissement d’un esclave

On dit qu’un esclave est affranchi lorsqu’il est libéré de son statut d’esclave et devient un homme libre. A cette occasion, l’ancien esclave offre ses chaînes aux Lares.

La mort d’un membre de la famille

Lorsqu’un membre de la famille décède, elle offre en sacrifice aux Lares un bélier afin de purifier la maison.

Des rites apotropaïques

Ces rites ont un caractère apotropaïque, il s’agit de s’attirer la bienveillance de ces divinités pour conjurer une potentielle influence maléfique des Lares.


Apotropaïque ? Le mot apotropaïque vient du grec. Il est composé du préfixe « apo » qui signifie, ici, « loin de », et du mot « tropos » qui signifie « tourner ». Quand on dit qu’un rite est apotropaïque, cela veut dire qu’avec ce rite, on cherche à détourner, à éloigner quelque chose de nous, en l’occurrence, le mauvais œil, le malheur, etc.


Bibliographie

Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome. Rome : École Française de Rome, 1989. 594 p. (Publications de l’École française de Rome, 118)

Marie-Odile Charles-Laforge, « Les cultes privés chez les Romains (IIIe s. avant – IIIe s. après J.-C.) », Pallas [En ligne], 111 | 2019, mis en ligne le 29 février 2020, consulté le 26 janvier 2021.