Les Lares Familiares

Les maisons des familles romaines étaient-elles hantées ? Les familles romaines n’habitaient paisiblement dans leur demeure que par la bonne volonté d’esprits avec lesquels elles devaient composer et cohabiter. Et encore fallait-il bénéficier de leurs faveurs au prix d’un culte et d’attentions rendus quotidiennement pour occuper ce qui n’est tout bonnement que leur territoire.

Même si, au fur et à mesure du temps, ils furent confondus avec l’esprit des morts (les Mânes), les Lares ne sont pas des fantômes, mais bien des divinités rattachés à des territoires. Dès lors qu’une maison est construite sur leur territoire, les humains doivent composer avec ces divinités et tout faire pour que cette colocation se passe bien.

Les Lares, qui sont-ils ?

Dans la religion romaine, les Lares sont des divinités agraires attachées à un territoire. Il en existe plein de sortes ! Citons-en quelques uns : les Lares Compitales qui protègent les carrefours, les Lares Rurales qui protègent les champs et ceux qui y travaillent ou encore les Lares Viales qui protègent les rues et ceux qui les traversent.

Nous nous intéresserons, ici, aux Lares Familiares qui sont les protecteurs du territoire sur lequel est construit une maison, et qui, a fortiori, sont devenus les protecteurs de la maison et de la famille qui occupent leur domaine. Des divinités ambivalentes qu’il faut bien se garder de courroucer en leur vouant le culte qui leur est dû.

Comment les Lares Familiares sont-ils représentés ?

Contrairement aux Pénates, les Lares Familiares sont très aisément reconnaissables et sont presque toujours représentés sur le laraire. Ils sont représentés :

  • sous les traits de deux jeunes hommes en train de danser
  • portant dans une main une patère…
  • …et dans l’autre main, une corne d’abondance
  • vêtus d’une tunique et d’une chlamyde

Voir des représentations des Lares dans l’article sur le laraire.

Quel culte leur rend-on ?

Au quotidien

Au quotidien, on salue les Lares, par exemple, quand on part ou revient de voyage. Disposés sur la table à manger avec les Pénates, on leur réserve les morceaux qui par mégarde tombent par terre pour le brûler sur leur foyer.

Les grands moments d’une famille

Contrairement aux Pénates dont le culte se limite au quotidien des familles, les Lares occupent aussi une place importante lors des grands évènements et pas des moindres ! Outre les jours de fête qui rythment le calendrier romain (et il y en a beaucoup) et durant lesquels la famille leur offre des couronnes de fleurs, voici 4 grands évènements durant lesquels une familia romaine rend un culte particulier aux dieux Lares.

Le passage de l’enfance à l’âge adulte

Lorsque le jeune garçon de la famille entre dans l’âge adulte, il fait l’offrande aux dieux Lares de ses jouets d’enfant et de sa bulle protectrice, de même que la jeune fille leur offre avant son mariage ses poupées et ses jeux.

L’intégration de la mariée dans sa nouvelle maison

Lorsque la mariée arrive dans la maison de son époux, elle offre un as aux Lares. Un as est une pièce de monnaie de petite valeur.

L’affranchissement d’un esclave

On dit qu’un esclave est affranchi lorsqu’il est libéré de son statut d’esclave et devient un homme libre. A cette occasion, l’ancien esclave offre ses chaînes aux Lares.

La mort d’un membre de la famille

Lorsqu’un membre de la famille décède, elle offre en sacrifice aux Lares un bélier afin de purifier la maison.

Des rites apotropaïques

Ces rites ont un caractère apotropaïque, il s’agit de s’attirer la bienveillance de ces divinités pour conjurer une potentielle influence maléfique des Lares.


Apotropaïque ? Le mot apotropaïque vient du grec. Il est composé du préfixe « apo » qui signifie, ici, « loin de », et du mot « tropos » qui signifie « tourner ». Quand on dit qu’un rite est apotropaïque, cela veut dire qu’avec ce rite, on cherche à détourner, à éloigner quelque chose de nous, en l’occurrence, le mauvais œil, le malheur, etc.


Bibliographie

Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome. Rome : École Française de Rome, 1989. 594 p. (Publications de l’École française de Rome, 118)

Marie-Odile Charles-Laforge, « Les cultes privés chez les Romains (IIIe s. avant – IIIe s. après J.-C.) », Pallas [En ligne], 111 | 2019, mis en ligne le 29 février 2020, consulté le 26 janvier 2021.

Le laraire : le lieu de culte des divinités domestiques

laraire de la Rome antique

Si tu as la chance, un jour, d’aller visiter le site archéologique de Pompéi, tu trouveras bien souvent dans les domus (les maisons des riches) les vestiges d’un laraire, ou lararium en latin, c’est-à-dire l’endroit où les Romains et Romaines rendaient un culte à leurs divinités domestiques. Cet article est un petit guide qui te permettra de les reconnaître facilement et de comprendre ce que tu vois (et pourquoi pas de le partager avec tes compagnons de voyage) !

Où le laraire se trouve-t-il dans la domus ?

Le plus souvent, le laraire est placé dans la cuisine, près du foyer. Mais tu le trouveras aussi dans l’atrium (le vestibule), le tablinum (le bureau) ou même le péristyle (la cour intérieure).

À quoi ressemble un laraire ?

Le laraire pouvait prendre des formes diverses :

  • Une simple peinture murale
  • Une niche ménagée dans un mur
  • Un temple miniature pour les laraires les plus sophistiqués

Quelle que soit leur forme, les laraires sont souvent rehaussés d’ornements pour leur donner l’allure d’un temple avec son fronton triangulaire et ses colonnes. Regardons d’un peu plus près quelques uns de ces laraires.

1.Le laraire en peinture murale

Voici le vestige le plus célèbre d’un laraire prenant la forme d’une peinture murale : la fresque du thermopolium de Lucius Vetutius Placidus.

laraire du thermopolium de Lucius Vetutius Placidus à Pompéi
Photo de Daniele Florio from Rome, ITALY — Ancient Bar, Pompei, CC BY 2.0, Lien

Au centre de la peinture, est peint le Génie, encadré par les deux Lares, eux-mêmes encadrés par les Pénates qui prennent les traits de Mercure (à gauche) et de Bacchus (à droite).
laraire du thermopolium expliqué

2. Le laraire en niche ménagée dans un mur

2.1. Laraire de la Maison des Vettii à Pompéi

laraire de la maison des Vettii
Photo tirée du site Vikidia CC BY-SA 2.5, Lien

Le petit rebord de mur qui sert de plancher pouvait être agrandi avec un carrelage, une tuile de toit ou du marbre pour disposer les statuettes des divinités quand elles n’étaient pas peintes sur le mur.

2.2. Laraire de la Maison du laraire Floral à Pompéi (Région II, 9.4)

Situé dans un petit cubiculum (une chambre), voici un très joli laraire de la Maison du laraire floral de Pompéi très différent du précédent !

Photos de la Maison du laraire floral de Pompéi
Photo tirée du site officiel du site archéologique de Pompéi.

Le fond du laraire est un décor floral très délicat sur lequel ne figure aucune divinité domestique, si ce n’est des Cupidons. Les statuettes des Lares et des Pénates étaient donc posées sur sa base.

2.3. Laraire somptueux à Pompéi (Région V)

Ce laraire somptueux, faisant entre 4 et 5m de longueur, a pour particularité d’associer la niche à la peinture murale.

laraire sompteux de Pompéi
Photos de Ciro Fusco, tirées du site officiel du site archéologique de Pompéi et de leur compte Facebook.

Sur les côtés de la niche, sont figurés les dieux Lares (1), tandis qu’en-dessous sur le mur sont peints deux serpents “agathodaemon” (de bons démons) (2). Juste en face de l’autel peint entre les deux serpents sur lequel sont représentés une pomme de pin et des oeufs, est disposée un petit autel sur lequel ont été retrouvées des traces d’offrandes brûlées (3).

3. Le laraire en forme de temple

laraire en forme de temple à Pompéi
Photos de Ian Lycett-King (à gauche) et de Buzz Ferebee (à droite), tirées de ce site.

Bibliographie

Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome. Rome : École Française de Rome, 1989. 594 p. (Publications de l’École française de Rome, 118)

Dossier : Les divinités domestiques


Je parie que tu connais sur le bout des doigts le nom des 12 dieux olympiens, mais un peu moins celui des divinités domestiques. Qui sont ces dieux chargés de la protection de la maison et de la famille que les Romains et Romaines vénéraient ? C’est ce que nous allons voir dans ce petit dossier.

Sans plus tarder, je te révèle leurs noms. Les divinités domestiques répondent aux doux noms de Lares, Pénates, Génie et Mânes. Pour introduire ce dossier, je te propose tout d’abord de te présenter toutes les difficultés que ces divinités domestiques romaines présentent aux chercheurs et archéologues.

Le laraire Les lares

Le culte domestique : Un culte difficile à restituer

Même si nous en savons déjà beaucoup, quelques aspects des réalités des cultes domestiques nous restent inconnus et mystérieux. Pourquoi ?

1° Il faut bien avoir à l’esprit qu’un Romain du temps de l’Empire ou même de l’époque classique pratiquait une religion déjà ancienne de plusieurs siècles, que certains aspects de sa propre religion lui étaient devenus mystérieux et qu’il était devenu difficile pour lui d’expliquer la signification symbolique de certains rites.

2° En plus de l’ancienneté de leur religion, ajoutons à cela le fait que, comme toute chose, leur religion a évolué au cours des siècles tout comme certaines de leurs divinités. Il est arrivé que plusieurs divinités aux fonctions proches, mais bien délimitées, se soient vus, au fil du temps, confondues ou assimilées les unes avec les autres. C’est le cas des Mânes avec les Pénates et les Lares.

3° Parmi les indices qui nous permettent de restituer ces cultes domestiques, nous comptons les témoignages littéraires. Même si ces écrits nous apprennent énormément de choses, pour ce qui est de cultes domestiques, ce savoir n’est bien souvent qu’à l’état d’indice et il est difficile pour nous de comprendre tout ce qui est sous-entendu et de compléter ces indices par tout ce qui n’est pas dit. En effet, comme les Romains s’adressaient à un lectorat contemporain, ils n’avaient pas besoin de décrire précisément ces cultes domestiques puisque tout le monde les connaissait.

4° Si ce n’est le fameux site archéologique de Pompéi dont les maisons ont été figées dans le temps “grâce” à l’éruption du Vésuve, nous disposons de très peu de représentations de ces divinités domestiques.


Bibliographie

Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome. Rome : École Française de Rome, 1989. 594 p. (Publications de l’École française de Rome, 118)