Que nul de vous ne touche mon corps

Polyxène sacrifiée sur la tombe d’Achille dans la tragédie Hécube d’Euripide

Le messager Talthybios raconte à Hécube, la reine de Troie, le sacrifice de sa fille, la princesse Polyxène, sur la tombe d’Achille.


  Découvrir la tragédie Hécube, d’Euripide.  


Femme, tu le veux donc ? Je n’y gagnerai que de pleurer une seconde fois
sur ta pauvre enfant. En te disant sa fin
mes larmes vont couler, comme devant la tombe, quand elle succomba.
L’armée grecque était là réunie tout entière
Se pressant au tombeau pour assister au sacrifice.
Le fils d’Achille prit Polyxène par la main
et la fit monter au sommet du tertre. J’étais auprès de lui.
Une élite de jeunes gens nous suivaient, choisis parmi les Grecs,
pour retenir à deux bras ton agneau quand il bondirait.
Le fils d’Achille prend une coupe d’or toute pleine, et la tend levée
pour la libation à son père mort, puis me fait signe
d’ordonner le silence aux soldats rassemblés.
Et moi, debout au milieu d’eux, j’annonce :
« Achéens, silence ! Que tout le monde se taise,
plus un seul mot ! » La foule reste immobile.
Lui dit alors : « Fils de Pélée, mon père,
accepte de ma main ces libations qui apaisent
et attirent les morts. Viens boire ce sang noir et pur,
ce sang de vierge que nous t’offrons,
l’armée et moi. Sois-nous propice.
Permets-nous de lâcher la bride à nos vaisseaux.
Accorde-nous d’accomplir tous heureusement
le voyage d’Ilion vers notre patrie. »
Toute l’armée à ces paroles éleva sa prière.
Il prit la poignée de son épée garnie d’or,
la tira du fourreau et fit signe de saisir la vierge
aux jeunes Grecs choisis pour cela dans l’armée.
Mais elle, comprenant leur dessein, leur dit :
« Grecs qui avez détruit ma patrie,
j’ai accepté de mourir. Que nul de vous ne touche
mon corps. Je présenterai ma gorge, courageusement.
Au nom des dieux, laissez-moi libre pour me frapper,
et que libre je meure. Chez les morts,
être nommée esclave, moi, une reine ? Honte sur moi ! »
Tandis que nos gens l’acclamaient, le roi Agamemnon
dit aux jeunes gens de lâcher la vierge.
Dès le dernier mot, ils avaient obéi
à l’ordre de celui dont le pouvoir est souverain.
Ayant entendu la parole du maître,
elle déchira sa robe de l’épaule au nombril,
révélant ses seins et sa poitrine de statue,
parfaitement belle ; puis, se mettant à genoux,
elle dit, avec une fermeté inouïe :
« Voici ma poitrine, jeune roi. Si tu dois la frapper, frappe.
Si c’est au cou, voici ma gorge prête. »
Lui hésitait, tant il avait regret pour cette enfant,
puis il trancha de son couteau le passage du souffle
et une source jaillit. Jusqu’en mourant,
elle eut souci de ne tomber qu’avec décence,
cachant ce qui est interdit aux yeux des mâles.
Quand sous le coup fatal elle eut rendu son âme,
tous les Grecs à l’envi s’empressèrent.
Les uns jetaient sur son corps, par brassées, des feuillages.
Les autres chargeaient le bûcher de troncs de pin.
Et celui qui n’apportait rien s’entendait blâmer par ses voisins.
« Tu restes là, sans coeur, et les mains vides,
sans un tissu, une parure à donner à la jeune fille ?
Vite une offrande pour honorer ce grand courage,
cette noblesse sans égale ! » Te décrire ainsi la mort de ta fille,
c’est voir en toi la plus glorieuse des mères,
la plus malheureuse des femmes. »

Criton, Platon

Criton de Platon Dans ce très court dialogue d’une trentaine de pages, Platon met en récit ce qui a semblé incompréhensible aussi bien aux disciples et amis de Socrate qu’au lecteur d’aujourd’hui : qu’il ait choisi la mort plutôt que l’exil. Cette explication, Platon la fournit par l’intermédiaire de Criton auquel le lecteur n’aura pas de mal à s’identifier tant les arguments qu’il met en avant sont ceux que tout un chacun avancerait.

Socrate va mourir. Le tribunal d’Athènes, qui l’accuse de corrompre la jeunesse, lui a demandé de choisir entre l’exil et la mort et il a choisi la mort. Au petit matin, alors qu’il est paisiblement endormi dans sa cellule, Criton, un ami de longue date, vient le réveiller. Il a grassement payé le gardien de prison pour pouvoir le voir en secret, car Criton est bien déterminé à aider Socrate à s’évader loin d’Athènes pour ne pas être exécuté.

Socrate va devoir convaincre son ami que sa décision de se livrer à la justice athénienne et de mourir, quand bien même cette décision lui semblerait injuste, est la seule digne s’il veut rester fidèle à ce que fut sa vie et à ce qui lui semble bon, bien et juste.

Les Troyennes, Euripide

Enlèvement de Cassandre par Ajax dans le temple d’Athéna

découvrir les tragédies d’Euripide, volume 2Euripide nous ramène, une fois encore, sur les rives de Troie tombée aux mains des Grecs. Avant qu’ils n’embarquent sur les navires pour regagner leurs foyers, ils ont une dernière chose à faire…

La déesse Athéna, soutien indéfectible des Grecs durant toute la guerre de Troie, se rend auprès de Poséïdon, protecteur des Troyens. Elle a été gravement insultée par le héros grec Ajax qui a osé violer son temple en enlevant Cassandre, la prêtresse de son culte. Comme on ne viole pas le temple d’un dieu sans conséquence, elle se le promet, le retour des Grecs chez eux sera douloureux.

En attendant leur vengeance future, les princesses Troyennes ont été réunies sur la plage par les guerriers Grecs et attendent leur sort. A qui vont-elles être attribuées ? De qui seront-elles les esclaves jusqu’à ce que la mort les libère ? Hécube, la reine de Troie, devra assister, impuissante, à la distribution de ses filles et belles-filles à ses ennemis, avant de poser une dernière fois son regard sur sa cité dont la beauté et la puissance ne seront plus qu’un souvenir.

Hécube, Euripide

Les tragédies d’Euripide, volume 1

Euripide amène les spectateurs sur les rives de Troie, tombée aux mains des Grecs. Alors qu’elle pensait avoir déjà tout perdu, Hécube, cette grande reine de la flamboyante Troie, doit encore endurer bien des peines. Mais il n’est pas dit qu’elle doive les endurer sans tirer vengeance.

La guerre de Troie a beau être finie, pas de répit pour les femmes des vaincus. Pour Hécube, déchue de son trône d’or et prisonnière des Grecs, plus que pour toute autre, les malheurs ne s’épuisent pas avec sa fin et même s’enchaînent.

Une fois enduré les derniers malheurs, qu’a-t-elle à perdre ? Rien, puisque tous les êtres les plus chers, sans exception, lui ont été arrachés au fil de l’épée et que sa cité n’est plus que cendres. Plus rien ne la retient de se venger. Même esclave, même vieille femme, Hécube se vengera, car elle a été reine et qu’on ne trahit pas sa confiance sans conséquence. Vaincus peut-être, mais trahis impunément, jamais !


Pour en découvrir plus    

Lire l’extrait de ce très beau monologue de Polyxène, sa fille, qui accepte son sacrifice, ainsi que le récit de son exécution par le Hérault Talthybios.


Andromaque, Euripide

Andromaque, pièce de théâtre d’Euripide, retour de lectureQue sont devenus les vaincus, une fois la guerre de Troie terminée ? Dans cette pièce, Euripide s’intéresse au sort d’Andromaque et il n’est pas enviable.

Andromaque, Hermione, Ménélas, Pélée, tous les personnages de cette pièce portent un regard différent sur ce que fut cette guerre. Mais au bout du compte, il se pourrait bien que les deux camps en aient été les perdants.

La vie est dure pour les vaincus. Andromaque a tout perdu : son mari, son fils, sa patrie. Princesse troyenne déchue, la voilà prisonnière de ses ennemis, les Achéens, réduite à l’esclavage et contrainte de partager le lit de Néoptolème, le fils d’Achille, celui qui a assassiné son mari.

De cette union est né Molossos auquel elle se rattache pour ne pas sombrer dans le désespoir. C’est sans compter sur Hermione qui vient d’épouser Néoptolème dont elle est haïe et qui ne parvient pas à concevoir d’enfant. La coupable est toute trouvée : Andromaque et ses sortilèges. Aussi mûrit-elle un dessein et profite de l’absence de son époux pour éliminer le fils bâtard et la mère esclave avec l’aide de son père, Ménélas.

Ploutos, Aristophane

Plus de vingt siècles nous séparent d’Aristophane, et pourtant l’argent fait toujours l’objet des mêmes plaintes et des mêmes griefs. Dans Ploutos, Aristophane nous livre quelques réflexions sur l’argent et son impact sur nos vies et le fonctionnement de la cité d’Athènes.

C’en est assez ! Alors que les honnêtes gens triment sans être récompensés dignement, les malhonnêtes s’enrichissent à leur détriment et sur leur dos. Cette situation ne peut plus durer.

Objectif et non des moins ambitieux : trouver Ploutos, le dieu de la richesse que Zeus a eu la bonne idée de rendre aveugle… Qu’importe cette décision du dieu des dieux ! Il faut s’emparer de Ploutos et lui faire recouvrer la vue. Rendez-vous au sanctuaire d’Epidaure !

Encore une fois les personnages imaginés par Aristophane ont un projet fou qui nous fait nous interroger sur notre rapport à l’argent. A-t-il tant évolué que cela ? Faut-il nécessairement qu’il y ait des riches et des pauvres pour que le société continue de fonctionner ?

L’Assemblée des femmes, Aristophane


Dans L’Assemblée des femmes, Aristophane met une fois encore les femmes athéniennes sur le devant de la scène pour mettre la cité sans dessus dessous, rebattre les cartes et instaurer de nouvelles règles.

Puisque les hommes manquent décidément de bon sens et sont incapables de prendre les bonnes décisions pour la cité, les femmes athéniennes sont bien résolues à prendre les choses en main !

Pour Gaillardine et les autres femmes athéniennes, le jour J est arrivé. La préparation a demandé beaucoup de temps : laisser leur peau brunir au soleil et leurs poils d’aisselles et de jambes pousser. Elles se sont levées au point du jour pour s’emparer subrepticement des vêtements de leurs époux et se grimer en hommes. Les voilà prêtes à se rendre à l’Assemblée ! De quoi passer parfaitement inaperçu et faire un putsch…

Les comédies d’Aristophane, des contes de fées ?

Les comédies d’Aristophane sont comme des contes qui finissent toujours bien. La guerre prend fin, la cité idéale des oiseaux règne sur les hommes et sur les dieux, Ploutos recouvre la vue et enrichit les honnêtes gens…Les lecteurs du XXIe siècle seront bien surpris de l’absence de “retour à la normalité”, de retour à ce que nous appellerions aujourd’hui volontiers “l’ordre des choses”. Quand vient le dernier acte, on piste le retournement de situation, le deus ex machina qui entravera le projet utopique des personnages et les fera rentrer dans le rang. Mais ce brusque “retour à la réalité” n’arrive jamais et les pièces finissent comme un rêve.

A défaut de contes, ces pièces portent bien leur nom de comédie. Elles sont des îlots de consolation qui ne sont pas soumis à la rude fatalité des tragédies dans lesquelles le Destin ne plie jamais. Les héros ont beau vouloir ruser avec lui, il sait prendre des chemins détournés pour parvenir à sa fin inexorable, car dans les tragédies, on ne négocie pas avec le Destin, on attend seulement de savoir quand et comment il frappera.

Les projets les plus loufoques et les plus utopiques des personnages d’Aristophane sont, au contraire, toujours couronnés de succès. Il suffisait d’avoir l’idée pour que ça marche. Si les enfants en sortiront ravis, car tout est bien qui finit bien, il se pourrait bien qu’un spectateur adulte ait des sentiments plus mélangés. Est-ce pour nous montrer le bonheur à côté duquel on passe ? Parce qu’on a bien le droit de rêver ? Parce qu’après tout ce n’est qu’une comédie ? Si faire rire est bien la 1ère intention d’Aristophane, faire rêver l’est aussi, tout autant que faire réfléchir.

Comme la douce amertume de certains fruits, dans les comédies d’Aristophane, on se régale de la saveur toute sucrée et pétillante de ses histoires, mais la note amère est bien là qui fait naître une grimace même fugace… Car les solutions imaginées par ses personnages rejoignent presque toujours la fantaisie, comme si ces solutions étaient forcément circonscrites dans cette fantaisie et qu’elles ne pouvaient se réaliser dans le réel.