Les Acharniens, Aristophane

Oeuvres complètes d’Aristophane, auteur de comédies

Bien qu’elle ne soit que la 3e pièce d’Aristophane, c’est bien la comédie Les Acharniens qui ouvre le 1er tome de ses Œuvres complètes, car la 1ère en date qui nous soit restée de son oeuvre. Les Acharniens, qui donnent le titre à cette pièce, sont les habitants du dème d’Acharnes, un bourg dépendant d’Athènes. 

Alors en pleine guerre du Péloponnèse qui oppose Athènes à Sparte, le charbonnier Justinet, habitant d’Acharnes, en a plus qu’assez et décide en douce de faire une trêve personnelle avec leurs ennemis pour retrouver toutes les joies de la paix : la bonne bouffe, la bonne chère, bien au chaud chez lui.

 Quand les Acharniens ont vent de la nouvelle, ils sont furieux, crient à la trahison et veulent s’en prendre à Justinet : leurs terres ont été ravagées par les Spartiates et ils comptent bien continuer à se venger. Mais à le voir si bien profiter de la vie, il se pourrait bien qu’ils flanchent et changent d’avis sur la question. 

Ce n’est pas la meilleure des pièces que j’ai pu lire d’Aristophane avec quelques traits d’humour obscène (même s’il ne faut pas s’en étonner de sa part) et une intrigue pas très poussée. Cette lecture est néanmoins intéressante pour ce qu’elle raconte de la guerre : les guerres longues se ressemblent toutes, quel que soit le siècle, avec ses privations, son commerce noir, ses délateurs, un désir de vengeance jamais étanché de ceux qui la subissent depuis des années et qui ont vu leurs biens détruits ou leurs proches tués.

J’ai trouvé également intéressantes les adresses « directes » d’Aristophane par l’intermédiaire de son personnage Justinet dans lesquelles il fait allusion au procès intenté par Cléon à Aristophane pour avoir médit d’Athènes et de sa politique dans ses précédentes comédies lors de fêtes accueillant des pays voisins. Ce qui vaut à Cléon, ce personnage politique de premier plan à Athènes, une détestation non déguisée de la part d’Aristophane, exprimée sans ambage sur la place publique et inscrite à jamais dans ses comédies.

Le Cyclope, Euripide

Les tragédies d’Euripide, volume 1

Parmi les très rares drames satyriques qui nous sont restés, il y a Le Cyclope. Euripide y revisite avec facétie un célèbre épisode de l’Odyssée d’Homère où Silène et ses satyres seraient de la partie… 

Le tout jeune dieu Dionysos a été enlevé par des pirates. Ni une, ni deux, son protecteur, Silène, et ses ouailles, les satyres, prennent la mer pour partir à sa recherche et le sauver. Mais leur navire fait naufrage et les créatures de Dionysos se retrouvent sur l’île aux Cyclopes. L’aventure pourrait s’arrêtait là si cette joyeuse compagnie n’était devenue l’esclave du cyclope Polyphème. Tous les spectateurs qui connaissent l’histoire originelle sur le bout des doigts attendent de voir à quelle sauce Euripide va revisiter l’arrivée d’Ulysse sur l’île et ce qu’il adviendra de ces compagnons qui ne jurent que par le vin et autres plaisirs.

 

Alceste, Euripide

Les tragédies d’Euripide, volume 1Au lieu d’un drame satyrique, Euripide propose à ses spectateurs une petite étrangeté, la pièce Alceste, une tragédie à fin heureuse dans laquelle le roi Admète, époux d’Alceste, ne brille pas par sa noblesse d’âme.

Pour s’être vengé du meurtre de son fils Asclépios en tuant les Cyclopes qui fabriquent les foudres de Zeus, l’arme responsable de sa mort, Apollon a été puni par Zeus à servir pendant un certain temps le roi Admète. En reconnaissance de son hospitalité, Apollon lui évite sa mort imminente en s’arrangeant avec les Parques. Mais en échange, Admète doit trouver quelqu’un pour mourir à sa place…

Peut-on demander à quelqu’un de mourir à sa place sans être égoïste et lâche ? Une vie en vaut-elle mieux qu’une autre ? Les parents ont-ils un devoir de sacrifice ? Voilà une petite pièce qui ne laisse pas indifférent et un personnage, Admète, qui inspire au lecteur des sentiments bien loin de ceux auxquels on s’attend en lisant une tragédie : dégoût, incompréhension, jugement.

Médée, Euripide

Les tragédies d’Euripide, volume 1Euripide, misogyne ? Accusation un peu facile quand on sait que, dans ses pièces et surtout dans Médée, les femmes, conscientes de l’injustice qu’elles subissent, sont loin d’être des oies blanches. Soit elles se contentent de sauver leur peau, comme Andromaque, soit elles se vengent, comme Hécube ou Médée… D’ailleurs, dans cette pièce, ne vous étonnez pas que Jason n’ait pas l’étoffe d’un héros. Euripide en a fait un salaud.

Médée est une magicienne redoutable qui traîne derrière elle une réputation sulfureuse. Femme savante, intelligente, puissante, Médée inquiète. Sans elle, Jason n’aurait jamais pu récupérer la toison d’or, ni sortir vivant de sa quête. Pour le suivre, elle a dû trahir sa famille, sa patrie et se rendre coupable d’un meurtre qui lui interdit tout retour. Après plusieurs années de vie commune et après avoir fondé une famille, Jason lui fait l’affront de la quitter pour une autre.

Si Médée n’était qu’une femme comme les autres, il lui aurait fallu subir et souffrir sans souffler mot l’insulte et l’humiliation, observer avec regret la somme des sacrifices qu’elle n’aurait jamais dû faire pour un homme. Mais Médée n’est pas une mortelle comme les autres. Jason l’apprendra à ses dépends. Sa nourrice ne le sait que trop bien, elle qui dira

Je la connais bien et je la redoute. Elle est terrible. Et qui s’en prend à elle aura fort à faire avant de chanter victoire.

Que nul de vous ne touche mon corps

Polyxène sacrifiée sur la tombe d’Achille dans la tragédie Hécube d’Euripide

Le messager Talthybios raconte à Hécube, la reine de Troie, le sacrifice de sa fille, la princesse Polyxène, sur la tombe d’Achille.


  Découvrir la tragédie Hécube, d’Euripide.  


Femme, tu le veux donc ? Je n’y gagnerai que de pleurer une seconde fois
sur ta pauvre enfant. En te disant sa fin
mes larmes vont couler, comme devant la tombe, quand elle succomba.
L’armée grecque était là réunie tout entière
Se pressant au tombeau pour assister au sacrifice.
Le fils d’Achille prit Polyxène par la main
et la fit monter au sommet du tertre. J’étais auprès de lui.
Une élite de jeunes gens nous suivaient, choisis parmi les Grecs,
pour retenir à deux bras ton agneau quand il bondirait.
Le fils d’Achille prend une coupe d’or toute pleine, et la tend levée
pour la libation à son père mort, puis me fait signe
d’ordonner le silence aux soldats rassemblés.
Et moi, debout au milieu d’eux, j’annonce :
« Achéens, silence ! Que tout le monde se taise,
plus un seul mot ! » La foule reste immobile.
Lui dit alors : « Fils de Pélée, mon père,
accepte de ma main ces libations qui apaisent
et attirent les morts. Viens boire ce sang noir et pur,
ce sang de vierge que nous t’offrons,
l’armée et moi. Sois-nous propice.
Permets-nous de lâcher la bride à nos vaisseaux.
Accorde-nous d’accomplir tous heureusement
le voyage d’Ilion vers notre patrie. »
Toute l’armée à ces paroles éleva sa prière.
Il prit la poignée de son épée garnie d’or,
la tira du fourreau et fit signe de saisir la vierge
aux jeunes Grecs choisis pour cela dans l’armée.
Mais elle, comprenant leur dessein, leur dit :
« Grecs qui avez détruit ma patrie,
j’ai accepté de mourir. Que nul de vous ne touche
mon corps. Je présenterai ma gorge, courageusement.
Au nom des dieux, laissez-moi libre pour me frapper,
et que libre je meure. Chez les morts,
être nommée esclave, moi, une reine ? Honte sur moi ! »
Tandis que nos gens l’acclamaient, le roi Agamemnon
dit aux jeunes gens de lâcher la vierge.
Dès le dernier mot, ils avaient obéi
à l’ordre de celui dont le pouvoir est souverain.
Ayant entendu la parole du maître,
elle déchira sa robe de l’épaule au nombril,
révélant ses seins et sa poitrine de statue,
parfaitement belle ; puis, se mettant à genoux,
elle dit, avec une fermeté inouïe :
« Voici ma poitrine, jeune roi. Si tu dois la frapper, frappe.
Si c’est au cou, voici ma gorge prête. »
Lui hésitait, tant il avait regret pour cette enfant,
puis il trancha de son couteau le passage du souffle
et une source jaillit. Jusqu’en mourant,
elle eut souci de ne tomber qu’avec décence,
cachant ce qui est interdit aux yeux des mâles.
Quand sous le coup fatal elle eut rendu son âme,
tous les Grecs à l’envi s’empressèrent.
Les uns jetaient sur son corps, par brassées, des feuillages.
Les autres chargeaient le bûcher de troncs de pin.
Et celui qui n’apportait rien s’entendait blâmer par ses voisins.
« Tu restes là, sans coeur, et les mains vides,
sans un tissu, une parure à donner à la jeune fille ?
Vite une offrande pour honorer ce grand courage,
cette noblesse sans égale ! » Te décrire ainsi la mort de ta fille,
c’est voir en toi la plus glorieuse des mères,
la plus malheureuse des femmes. »

Les Troyennes, Euripide

Enlèvement de Cassandre par Ajax dans le temple d’Athéna

découvrir les tragédies d’Euripide, volume 2Euripide nous ramène, une fois encore, sur les rives de Troie tombée aux mains des Grecs. Avant qu’ils n’embarquent sur les navires pour regagner leurs foyers, ils ont une dernière chose à faire…

La déesse Athéna, soutien indéfectible des Grecs durant toute la guerre de Troie, se rend auprès de Poséïdon, protecteur des Troyens. Elle a été gravement insultée par le héros grec Ajax qui a osé violer son temple en enlevant Cassandre, la prêtresse de son culte. Comme on ne viole pas le temple d’un dieu sans conséquence, elle se le promet, le retour des Grecs chez eux sera douloureux.

En attendant leur vengeance future, les princesses Troyennes ont été réunies sur la plage par les guerriers Grecs et attendent leur sort. A qui vont-elles être attribuées ? De qui seront-elles les esclaves jusqu’à ce que la mort les libère ? Hécube, la reine de Troie, devra assister, impuissante, à la distribution de ses filles et belles-filles à ses ennemis, avant de poser une dernière fois son regard sur sa cité dont la beauté et la puissance ne seront plus qu’un souvenir.

Hécube, Euripide

Les tragédies d’Euripide, volume 1

Euripide amène les spectateurs sur les rives de Troie, tombée aux mains des Grecs. Alors qu’elle pensait avoir déjà tout perdu, Hécube, cette grande reine de la flamboyante Troie, doit encore endurer bien des peines. Mais il n’est pas dit qu’elle doive les endurer sans tirer vengeance.

La guerre de Troie a beau être finie, pas de répit pour les femmes des vaincus. Pour Hécube, déchue de son trône d’or et prisonnière des Grecs, plus que pour toute autre, les malheurs ne s’épuisent pas avec sa fin et même s’enchaînent.

Une fois enduré les derniers malheurs, qu’a-t-elle à perdre ? Rien, puisque tous les êtres les plus chers, sans exception, lui ont été arrachés au fil de l’épée et que sa cité n’est plus que cendres. Plus rien ne la retient de se venger. Même esclave, même vieille femme, Hécube se vengera, car elle a été reine et qu’on ne trahit pas sa confiance sans conséquence. Vaincus peut-être, mais trahis impunément, jamais !


Pour en découvrir plus    

Lire l’extrait de ce très beau monologue de Polyxène, sa fille, qui accepte son sacrifice, ainsi que le récit de son exécution par le Hérault Talthybios.


Andromaque, Euripide

Andromaque, pièce de théâtre d’Euripide, retour de lectureQue sont devenus les vaincus, une fois la guerre de Troie terminée ? Dans cette pièce, Euripide s’intéresse au sort d’Andromaque et il n’est pas enviable.

Andromaque, Hermione, Ménélas, Pélée, tous les personnages de cette pièce portent un regard différent sur ce que fut cette guerre. Mais au bout du compte, il se pourrait bien que les deux camps en aient été les perdants.

La vie est dure pour les vaincus. Andromaque a tout perdu : son mari, son fils, sa patrie. Princesse troyenne déchue, la voilà prisonnière de ses ennemis, les Achéens, réduite à l’esclavage et contrainte de partager le lit de Néoptolème, le fils d’Achille, celui qui a assassiné son mari.

De cette union est né Molossos auquel elle se rattache pour ne pas sombrer dans le désespoir. C’est sans compter sur Hermione qui vient d’épouser Néoptolème dont elle est haïe et qui ne parvient pas à concevoir d’enfant. La coupable est toute trouvée : Andromaque et ses sortilèges. Aussi mûrit-elle un dessein et profite de l’absence de son époux pour éliminer le fils bâtard et la mère esclave avec l’aide de son père, Ménélas.